Qui êtes-vous et comment avez vous eu l’idée de Nao ?
Je m’appelle Christophe Gossiaux et je suis entrepreneur passionné et partie prenante dans le secteur bio Bruxellois.
J’ai créé les chocolat Nao en 2015 après un constat. L’offre était limitée en chocolat bio et belge sur le marché, ce qui est un non-sens au pays du chocolat. C’est fort de mon expérience passée dans l’Horeca que j’ai décidé de développer un projet très simple : proposer un chocolat belge de qualité, certifié bio accessible à toutes les bourses et proposé en vrac.
Vous êtes en train de réaliser un rêve : créer votre propre filière d’approvisionnement ?
Je suis « tombé » dans le monde du chocolat assez récemment. C’est peut-être ce regard neuf qui m’a fait poser pas mal de questions qui fâchent, ou qui dérangent les habitudes établies depuis des décennies. Des habitudes qui n’étaient plus remises en question. Tout le monde me disait : « Impossible de se passer des grands fournisseurs. Il y a une sorte de monopole, c’est comme ça. »
Avec notre système, on va bien au-delà des étiquettes, même les plus enviables.
Le bio, pour nous, ce n’était pas une fin en soi, c’était une condition préalable évidente.
Concernant un label « commerce équitable ». C’est très bien, c’est même nécessaire. Cela permet de baliser, et tant pour le client que pour le chocolatier d’avoir une lecture simplifiée du produit et du marché. Chacun peut facilement identifier que le produit visé est encadré par une filière sérieuse, qui protège et rémunère correctement le producteur.
Nous avons simplement souhaité aller encore plus loin dans la démarche. Comment pouvons nous faire encore mieux, et garantir le meilleur revenu et la plus grande stabilité à nos partenaires? C’est ce raisonnement qui nous a poussé à bousculer les idées reçues/sortir des sentiers tout tracés, et mettre en place notre propre filière avec en fil rouge un prix d’achat des fèves élevé et au delà des standards du commerce équitable, mais également à prix fixe toute l’année, mettant les producteurs et leurs familles à l’abri de la dynamique de spéculation sur le marché du cacao.
Aujourd’hui, NAO est heureux d’avoir dépassé ce stade – même si la route est encore longue. Pour moi, c’est une fierté. Avant, le seul moyen pour être sûr de son produit, c’était la toute petite échelle : importer les fèves par lots de quelques sacs, travailler avec de très petites quantités. La qualité était là, mais le coût était celui d’un produit de luxe, la haute couture du chocolat. Moi je voulais démocratiser l’excellence. Créer une ligne de prêt à porter : l’exigence d’un grand couturier, son style, son goût, mais accessible à tous.
Le chocolat, pour vous, c’est quoi ?
Le chocolat, ce n’est pas n’importe quoi. C’est sacré. On parle de la boisson des dieux, il ne faut jamais l’oublier. Quand les Espagnols débarquent au Mexique, très vite ils entendent parler du xocoatl. C’est une boisson sacrée, qui intervient souvent lors des cérémonies religieuses, ou des fêtes comme les mariages ou les rites de purification des enfants. A l’origine, cette boisson permet d’accéder à un état différent, plus éveillé. Très épicée, très raffinée, elle déploie des goûts amers, on n’est pas sur le sucre mais sur l’acidité, une gamme de goûts très subtils. Les Mayas et les Aztèques l’associaient déjà à la vanille (pour adoucir) ou au piment (pour corser). Des siècles plus tard, c’est cette vérité que tout bon chocolatier veut retrouver. Associé au plaisir régressif du sucre, évidemment : tout l’art est de savoir doser. Mais il y a quelque chose de rassurant, et de pur, à l’idée que tout vient d’une tradition culturelle très ancienne, symboliquement très forte, porteuse de sens. Une tradition qui a conquis le monde entier.
Racontez-nous les étapes qui séparent le cacaoyer de la table basse de notre salon…
Sur l’arbre pousse le fruit, une cabosse contenant les fèves. Une fois cueillies, elles sont ouvertes et les fèves peuvent commencer à fermenter. Déjà à ce stade les odeurs vous « racontent » quelque chose. Cette étape est trop souvent sautée par les industriels. Pourtant cette première fermentation sur le lieu de récolte est primordiale pour développer les arômes.
Ensuite les fèves vont être séchées puis torréfiées. Cette cuisson permet elle aussi de multiplier la palette des goûts. La profondeur d’un chocolat viendra du soin apporté à chaque étape. Les fèves torréfiées sont concassées et broyées. C’est à ce moment-là qu’on récolte l’huile naturelle du chocolat, le beurre de cacao, qui sera réutilisé plus tard, au moment de la fabrication du chocolat lui-même. A la masse obtenue on ajoute certains ingrédients en fonction de la recette. Du sucre, du lait en poudre,… les déclinaisons sont presque infinies. Ensuite vient le conchage, une étape très visuelle où on chauffe et on brasse le futur chocolat pour fondre ensemble les arômes, rendre le produit homogène, onctueux. Enfin viennent le tempérage et le moulage : on fait redescendre en température, mais prudemment, c’est la cristallisation du chocolat, qui lui donne son croquant, et son côté lustré, parfait, si appétissant.
Quelles sont vos étapes préférées ?
J’adore parler des nouvelles recettes avec notre maître chocolatier. Mais ce qui m’a apporté le plus de satisfaction, c’est d’avoir participé à la création de cet outil de production, cette filière indépendante, qui part de l’île africaine de Sao Tome et qui va jusqu’aux chocolats que Nao propose dans les magasins bio. Mais je ne compte pas me reposer sur mes lauriers : malheureusement pour moi, je suis un perfectionniste, et me pose toujours la question: comment peut-on, avec toute notre équipe, aller encore un peu plus loin dans nos démarches afin de garantir encore plus de transparence.
Encore plus loin demain?
Soutenir la filière en mettant en place des actions concrètes auprès des cultivateurs de cacao BIO. Travailler de nouvelles recettes et enrichir encore notre savoir-faire, Diverses pistes d’évolution sont envisagées. En diminuant encore un peu la teneur en sucre, tout en gardant un chocolat vraiment gourmand. On y travaille. Le chocolat fondant par exemple: il est le résultat de plusieurs étapes, dont le degré de concassage. La finesse de la poudre obtenue va prendre toute son importance beaucoup plus tard… dans la bouche du consommateur, avec des saveurs et un profil qui se développeront différemment selon la manière dont la fève a été travaillée, torréfiée… En quelques mots, faire de notre mieux afin de satisfaire autant nos partenaires que nos clients.